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Juste avant de raconter

Dans les premiers instants où l’on raconte une histoire, le public (enfant, comme adulte) doit se mettre sur la même fréquence que nous : il se familiarise avec notre image, notre voix, nos défauts, avant de pouvoir vraiment entrer dans l’histoire que nous racontons. Cela prend quelques secondes à quelques minutes en fonction de l’individu. Pour que la rencontre puisse se faire, et que les esprits se mettent dans l’état de réceptivité et de concentration nécessaires pour recevoir une histoire, il est souvent recommandé de ne pas se lancer tout de suite dans l’histoire, mais de faire quelques premiers pas à blanc, de parler pour ne rien dire, de prendre le temps d’installer avec le public la relation que l’on va par la suite entretenir développer. Quelques petites pistes sont ouvertes dans ce sens :

 

La devinette : Petit jeu intellectuel permettant de solliciter d’office une forme de concentration. Lorsqu’on raconte seul, elle met en place une relation directe avec le public, et permet de tester sa réceptivité naturelle, s’il est joueur, attentif, ou  plutôt passif. Implicitement le jeu signe un « contrat d’interaction » dans lequel le public aura ponctuellement dans l’histoire une part active que vous pourrez leur donner (il peut être d’ailleurs frustrant pour eux de ne pas le faire une fois embarqués dans l’histoire).
Il est possible à deux de le faire également en posant la devinette à son partenaire. Par l’effet théâtral, le public réfléchira « en cachette » (sans être directement sollicité) aux réponses, et ouvrira une réceptivité active, mais le jeu restant confiné dans la relation entre les deux raconteurs, il n’impliquera pas de disposition particulière dans la relation mise en place avec le public. 

La poésie : Qui n’en a pas une dans un coin de la tête ? La poésie est une concentration de sens dans quelques mots, un jeu mélodique, un jeu de plaisir où les phrases ont du goût, où les mots deviennent ingrédients. La poésie ouvre à la fois sur un registre de langue, et sur une gourmandise partagée. Tantôt elle surprend, tantôt caresse, tantôt ressemble à un code secret, revêt mille costumes différents permettant d’ouvrir sur autant d’histoires. Et quand elle n’est là que pour le plaisir, sans aucun rapport avec la suite, c’est qu’une poussière nous l’a soufflée, avant d’être emportée au loin par une bise folle qui nous a raconté une histoire.

La comptine ou la petite chanson : Extension de la poésie dans l’émotion d’une mélodie. La chanson intimide souvent dans un premier temps, on a l’impression qu’elle ouvre une porte de l’intimité de celui ou celle qui l’entonne. Touchante, belle, amusante, poignante, on touche en quelques notes à une profondeur, douce ou folle. La chanson est intrusive, elle vient rapidement nous chercher dans les zones émotives.
La comptine porte en plus d’une simplicité de parole et de chant, la volonté de partage. On propose avec elle une participation active du public. On l’amène avec nous dans un état d’émotion maîtrisée, et dans une dynamique d’échange. Quand la chanson lance un coucou depuis son nuage, la comptine invite l’autre sur son nuage. Généralement, la comptine ou la ritournelle partagée reviennent dans l’histoire que nous racontons, elle y devient presque un personnage qui rythme l’histoire.

La formule question/réponse, le feed-back actif : Tirée de la tradition orale noir africaine, où chaque phrase est ponctuée par une formule, souvent juste une onomatopée (« hm hm ? »), qui demande implicitement « Vous me suivez ». Le public alors répond pour confirmer que son attention est maintenue (par la suite de la formule ou par un autre son). Dans le conte, les conteurs africains ont transporté les formules ancestrales de leur ethnie, ou en on inventé des poétiques. A nous de nous approprier cette coutume, d’en comprendre l’intérêt et de trouver ce qui collera le mieux à notre personnalité, à l’âge de notre public, et à l’histoire racontée. Une fois notre formule trouvée, les premiers moments juste avant l’histoire seront consacrés à mettre en place ce code d’interaction avec le public.

Autres formes d’introduction : La formule magique partagée qui appelle les histoires, le rituel pour faire venir le vent des histoires, le sac dans lequel on stock les oreilles que nous empruntons au public, la présentation d’un objet magique qui transporte avec lui les histoires que nous racontons. Certaines introductions mettent en place des règles que nous pouvons réutiliser pour récupérer l’attention du public (notamment des plus jeunes). On peut également puiser dans les proverbes, les dictons, l’approche mystérieuse (j’ai entendu dire que…), la question annonçant la problématique de l’histoire, commencer par la fin ou faire rentrer dans le vif de l’action histoire de surprendre l’auditoire avant de revenir au début par un flash back.